« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

J'ÉTAIS


 

 

L'enfant touché par l'aile de la mort

Ne parle plus. Son regard inaugure

Un neuf exil si tendre et si glacé

Qu'il ne sait pas s'il est arbre ou rivière.

À son côté, sa mère devient givre

Et lui, croyant à un simple sommeil,

Veille sur elle. Un roseau sur la rive

Tremble quand fuit une truite surprise.

 

Ce court instant, redonnez-le pour vivre

Entre bonheur et folle tragédie

Interminable. O ma vie ! ô détresse !

J'étais l'enfant, je ne suis plus que l'homme

Veillant sur l'ombre et la terre confuse,

Quêtant pour vivre une étoile de plus

Qu'il n'en existe au ciel toujours muet.

 

Abandonnez votre haine aux corbeaux.

La terre-ogresse a digéré ce corps

Où tu naquis. vasque de pourriture,

Dernier sursis, mimant  ton existence,

Et ne croyant qu'à cette histoire morte

Mal racontée aux amants du passé.

Robert Sabatier / Icare et autres poèmes