« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

CHRONIQUE DE LA GRANDE HALOURDE-II


 

 

Le village, deux fois douze maisons, non, QUATRE ; que je compte voir, 12 multiplié par quatre égale 48 comme la révolution de 48 ! Nos pères, la liberté, Lamartine et le drapeau tricolore. Oui. Bon. Une rue partage (encore !) le village en deux, les maisons riches d'un côté (toujours du même côté) puis les AUTRES, là, là et là, comme ça.

 

(Le père Mimile), le carillon du matin,

les petits coups pour les morts et le

grand chahut des baptêmes.

Les yeux flottants

des nouveaux nés

au fond du joli mignon bonnet

trop grand,

Petits-petits enfants

enfançons tant et tant désirés

pour qui badaboume

l'église.

 

Il y a un dépotoir aux « 4 chemins », le chemin de l'Oseille, le chemin du Poireau, le chemin de l'Argile et le chemin Drète. L'un mène à Tours, l'autre à Nantes, l'autre à Paris, l'autre à Rome. Nous sommes fiers de notre dépotoir. Vingt mètres après, c'est l'école, un pignon bleu, une chemise rose, et la lucarne avec un cercle jaune comme l'œil d'une poule. Il y a là, le tilleul, du vieux sable sale et des BOULETS TERNES que ne brûleront jamais des générations d'instituteur.Une porte de cabinet avec un cœur au milieu, pour l'air.

L'autre porte pleine, c'est pour les maîtres.

Le vieux MAIRE (Alphonse Trinité) a

appris à lire là

l'adjoint Brénazé aussi

et la femme du maire (Madame Louise)

et la deuxième femme du secrétaire.

 

Le bureau de poste fait le coin.

Sur une planche, on lit POSTE, on

devine graphe, le reste est effacé.

Quand « pend » le drapeau pour le 14

Juillet, il cache tout.

Le directeur c'est un gros qui porte des

lunettes.

Il fait comme nous, pour avoir CHAUD

l'hiver il chausse des sabots.

Et avant de vous tendre le mandat à « remplir » il crache dans ses doigts.

Ça ne trompe pas. C'est un gars de la terre, ce directeur.

 

Nous avons aussi un bonhomme qui fait de la POLITIQUE. C'est Vallier — le Jacques — dit LE ROUGET, le jardinier de la « Simonette ». Il livre de la légume en carriole avec Diane en tête, bien-sûr, la jument vierge. Elle connaît si bien la route (la garce) — depuis dix sept ans ELLE FAIT le même chemin — que Vallier dort tout le long de Glanduche à Angers.

Aux « 4 chemins », elle s'arrête.

Elle observe strictement le code de la route, et les bleus, nom de dieu, n'arrivent pas à la coincer !

Jules Mougin / La Grande Halourde (extrait)
Ilustration : Jules Mougin par Faber