« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

I,5 - Hymne à l’Éternité


 

 

Prête-moi une voix, un plectre de diamant,

Seconde de mon chant l’exceptionnelle audace,

Reine des temps sans fin, de l’éther lumineux

Des souverains séjours hôtesse souveraine,

Dans ta paix infinie contemplant ton essence.

Se tiennent près de toi Jouvence aux blondes tresses

Et Vertu indomptable avec ses pieds de bronze ;

L’une, au banquet des dieux, occupée à verser

De ses doigts délicats la liqueur de jeunesse ;

Veillant sur ses trésors, l’autre défend sans peur

Les frontières fixées pour la suite des siècles,

Chassant les ennemis qui ton trône menacent.

Derrière, mais bien loin, s’avance la Nature

Féconde, et le Vieillard à la faux recourbée :

Marchent d’un pas égal les Heures éphémères

Et l’Année, qui revient toujours sur elle-même,

Posant ses pas glissants sur la trace ancienne.

Toi-même, environnée de cent divinités,

Dans ton habit royal, d’or et d’argent brodé,

Siégeant au firmament, dictes tes lois aux cieux,

Auxquels tu garantis, séparés de la glèbe,

Loin des maux et périls, une éternelle paix.

De ton règne prudent tu exclues la vieillesse,

Par des liens de diamant tu enchaînes les siècles ;

Les fractures du temps, futur, passé, se mêlent,

S’abolissent en toi dans l’éternel présent ;

Les jours épars sous ton regard se réunissent,

Tu es tout et partie, sans fin et sans principe,

Pourtant principe et fin, sans nulle aspérité,

Lisse partout, égale en tes moindres parties.

Salut, du radieux Olympe grande Mère,

Grande Mère des dieux, exauce ma prière,

Tourne vers moi tes yeux et, si mon vœu est juste,

Puisque du Ciel je tiens ma première origine,

Au ciel reconduis-moi : c’est le lien d’où je viens.

Michel Marulle (V. 1453-1500) / Hymnes
traduit du latin par Pierre Laurens
Illustration : Portrait de l’illustre poète latin Michel Marulle par Botticelli.