COMPLAINTE DU LÉZARD AMOUREUX
Par domcorrieras, le lundi 10 décembre 2018 - Poèmes & chansons - lien permanent
N’égraine pas le tournesol,
Tes cyprès auraient de la peine,
Chardonneret, reprends ton vol
Et reviens à ton nid de laine.
Tu n’es pas un caillou du ciel
Pour que le vent te tienne quitte,
Oiseau rural; l’arc-en-ciel
S’unifie dans la marguerite.
L’homme fusille, cache-toi;
Le tournesol est son complice.
Seules les herbes sont pour toi,
Les herbes des champs qui se plissent.
Le serpent ne te connaît pas,
Et la sauterelle est bougonne;
La taupe, elle, n’y voit pas;
Le paillon ne hait personne.
Il est midi, chardonneret.
Le seneçon est là qui brille.
Attarde-toi, va, sans danger :
L’homme est rentré dans sa famille !
L’écho de ce pays est sûr.
J’observe, je suis bon prophète ;
Je vois tout de mon petit mur,
Même tituber la chouette.
Qui, mieux q’un lézard amoureux,
Peut dire les secrets terrestres ?
O léger gentil roi des cieux,
Que n’as-tu ton nid dans ma pierre !
Orgon, août 1947
René Char / Les Matinaux / La sieste blanche
Illustration : Portrait de René Char par Romuald Sourisse