BALLADE 72
Par domcorrieras, le mardi 30 octobre 2018 - Poèmes & chansons - lien permanent
Ballades, chansons et complaintes
Sont pour moi passées dans l’oubli :
Le tracas et plus d’un souci
M’ont tenu longtemps endormi.
Et pourtant, contre l’inquiétude,
J’éprouverai mon aptitude
À rimer comme je savais.
Je ferai mon possible au moins,
Bien que sois persuadé
Que je vais trouver mon langage
Tout rouillé par le Nonchaloir.
Les mots du plaisir sont éteints
En moi, que l’âge a rendu sot ;
J’essaierai d’atteindre mon but,
Sans plus compter sur le beau style :
Aussi je prie ceux qui m’ont su
Causeur, quand autrefois j’étais
Spontané, jeune et plein de joie,
Qu’ils veuillent bien m’en excuser.
Jamais je ne me suis trouvé
Si lourd : je suis en vérité
Tout rouillé par le Nonchaloir.
Aux amants les mots colorés,
Le langage élégant et frais.
Plaisir, dont ils sont familiers,
Parle à leur place ; dans ce camp
J’ai été ; ce n’est plus le cas.
Du beau style, alors, j’en trouvais
Bon marché tant que je voulais.
J’ai bien dépensé mon savoir :
Le peu que j’aurais épargné
Est, pour être mis à l’épreuve,
Tout rouillé par le Nonchaloir.
Envoi
Je devrais prendre ma retraite,
Maus on dirait que je me rends
Sans coup férir, car Bon Espoir
M’a dit que je rajeunirai :
Aussi je fourbirai mon cœur
Tout rouillé par le Nonchaloir.
Charles d’Orléans / En la forêt de longue attente et autres poèmes