SINGULIÈRE FAVEUR DEMANDÉE PAR UN FOU À UN ROI
Par domcorrieras, le mercredi 31 octobre 2018 - Poèmes & chansons - lien permanent
Un roi se rendit auprès d’un fou au cœur troublé et lui dit : « O fou ! demande-moi une faveur.
« Puisque le soleil est ma couronne, et le ciel mon coursier, pourquoi ne me demandes-tu pas quelque chose, afin que je te l’accorde ? »
Le fou répondit au roi : « O toi, qui reposes dans les délices ! éloigne de moi les mouches, pendant cette seule journée;
« Car ces bestioles se sont rassemblées en tel nombre sur moi, qu’on dirait qu’elles n’ont point trouvé d’autre homme au monde ! »
Le roi lui répondit : « Cette affaire ne me regarde pas; les mouches ne me sont pas soumises et n’obéissent pas à mes ordres. »
Le fou répliqua : « Alors, tu peux plier bagage; car tu es cent fois plus impuissant que moi !
« Puisque tu es incapable de te faire obéir d’une seule mouche, va ! tu devrais être honteux de ta royauté. »
Et toi, jusqu’à quand tourneras-tu autour des seigneurs et des princes ? Cherche plutôt, virilement, à éviter ces gens-là.
Tu vois bien cette multitude d’hommes continuellement pris dans les difficultés, à cause des affaires mondaines;
Les voilà absorbés et plongés, tous tant qu’ils sont, dans les soucis; ils entassent une à une pièce d’or sur pièce d’or !
Attâr (Fèrîd-ed-Dîn ou Farid al-Din Attar) de Nichâpour / Asrár-námè (Le livre des secrets)
Illustration : La Conférence des oiseaux peinte par Habib Allah.