« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

UN TRONC


 

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Évidé par les ans depuis mon apogée

quel repaire inouï

Fibres étirées, nourriture gaspillée des écrits des hommes

je vous offre mes chutes

en guise de repas, habiles insectes qui prenez

mon abri. Gouttes perverses !

vous pensez déjà aux nuages alors que

décembre sans cérémonie vous figera

Un jour s’introduira le renard, mais pour l’heure

ce sont les champignons qui m’envahissent

 

coprins, d’ailleurs,

que venez-vous faire en cet endroit ?

votre mycélium ne serait-il pas plus symbiotique

hors de la pourriture de ma sève disparue ?

bolets et chanterelles, vous non plus,

ne trouverez en ces lieux où respire ma décomposition

qu’une bien pauvre chaumine

 

Il est arrivé hier des revenantes. De mes semblables

encore tout auréolés de leur faîte

la puissance fragile a accouché d’un tapis nourricier

Quel assaut ! Vous, les gouttes, avez-vous suinté votre joie

pour faire de ce lit un bouillon de culture

Oh ! je vois désormais sur moi

grouiller la vie que j’ai perdue ;

je prends ma revanche sur ceux qui m’entourent

parés de leur prestance arrogante

 

et vous, corpuscules opportunistes,

que dites-vous des bulbes qui pointent ?

ne sommes-nous pas un, vous et moi ?

 

Des années que je repose ainsi

les saisons se succèdent et j’en arrive pourtant

à envier Sisyphe

La vie me torture et pourtant je suis mort.

Florent Toniello / FLO[TS]