« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Ô le chant de l’oiseau Vodaine

 

 

 

          De quoi demain ne sera plus fait, le pain de poésie manquera-t-il ? Avec quelles nouvelles infidélités cravaterons-nous la liberté ? Le désamour remplaçant la vérité et le rite des méritants, le simple amour ?

          Aujourd’hui serait-il un étourdi de plus tant le loup n’y est pas qui nous mangerait, ha ! la peur est-elle la seule chose qui nous rassemble ? À tous les froussards de l’inconnu, le nom de VODAINE est délivrance !

          Le Poète fournirait à chaque homme, jour après jour, ce qui se passe au-delà de son cœur, mais au-dedans. aussi, sorte de soleil-surprise offert à notre vie !

          Le Vodaine que vous avez invité ici, c’est celui-là que nous avons tous mis aux pénitences, oui, à qui n’a-t-il pas semblé un jour qu’un Poète, c’est de la vache folle à refouler d’urgence, tant que la prescription commémorative ne lui a pas donné une sorte de pharmacopée adaptée !

          Mais voici que par son obstination à s’occuper de nous et malgré notre ville niveleuse en ramages et replumages, VOUS FAITES ENTRER LE POËTE, non par la Porte-Serpenoise, mais par le dedans de la ville : c’est-y pas son cœur qui bat ici ?

          Il y a bien un tribunal perpétuel de la morve et de l’ennui, de l’indifférence et de l’oubli. Il y a bien ce manque de confiance de chacun de nous dans la vérité d’une forte tête, d’une force d’homme, d’un poète !

          Ha ! quand cesserons-nous d’empiler à la McDO, degrés sur degrés, jusqu’au degré sublime de la médiocrité ? Tant nous serions à rancarder le Vodaine dans un placard momifiant, à mettre un Vodaine de plâtre au-dessus de la cheminée pour tapoter le nombril de mots bien gras, disant : l’ai bien connu Celui-là, brav’type au fond, mais bon...

          Honneur aux Messins, nous l’avons aimé. Honneur aux mesquins, nous l’avons chassé ! La veulerie voulait des noms : nous lui donnions Vodaine !

          Mais ce que vous faites aujourd’hui est autre chose, et personne ne remplace personne en cette ville, et cette lumière d’attention que vous portez ce soir, est juste. Parce que c’est le beau courage de dire, du plus vif de la parole

VODAINE, NOUS T’AIMONS !

          Il n’y a pas de mots plus dignes pour vous remercier, Kléber*, que les poèmes de Jean. Ecoutez, et goûtez ! Les boulangers ne veulent pas plus d’explication à leur faim de faire, pour les autres, du pain !

          Sans amour, poésie n’est pas.

          Slovène par le rythme, Lorrain par la grandeur, Vodaine par la beauté. Et capable de cœur, sauf si l’on veut du gnangnan, d’un colossal chiqué, c’est cela être poète, n’aimer être qu’un peu de pain fraternel, et tout acharné à ne pas se laisser rouler dans la farine, ni rien ni personne à blesser, se fracasse le cœur dans la lumière ! C’est cela, la simplissime sincérité d’un homme traversé de poésie : bon pain, bon vrai, abondant ! Ouvrez un poème de Vodaine et c’est de la vie brute que vous rompez entre vos doigts, et Mutte et gargouilles de Saint-Etienne, de derviches torpeurs se transforment soudain en complices du Rêve !

          Ô le chant de l’oiseau Vodaine se reconnaît à ce seul mal d’être vrai, dans sa vérité solitaire, et en quelque urgence de verbe soit-il jeté, son poème ressemble à la douleur ouvrière, au cri muet des autres hommes, les brisés, les laissés-pour-compte, les taiseux.

          N’aimeront pas sa chanson, tous ceux qui vouent à l’amertume leur mal en point et au subir, obéissance ! Aller au poète, c’est plus temps de couper la tête au temps, juste échapper à l’influence du mauvais chant ! Ha ! ne serait-ce qu’un seul, parmi nous, mais tellement poète, que les autres, de toute la bêtise de leur Tiédeur, voudraient enfin se révolter !

          Comme chaque 30 mars et dans l’esprit de Jean-Marie, nous te saluerons Lélian. Ce qu’il reste de toi en ce siècle, mon vieux Paul ?

          De Verlaine à Vodaine, des imitateurs de la beauté ont préféré la pureté d’une race à l’impair, la dureté des discours à l’impertinence en poésie ! Mais l'ÉMOTION,
l'émotion humaine, elle est sauve ! Et par sa seule présence au poème, elle terrifie la réalité la plus souffrante, l’onction la plus zim-zim. Elle seule saura, cher Scutenaire, chier dans un ordinateur ! Et nous réinventer. Il faut pratiquer Vodaine, sa Poésie est le meilleur chemin d’accès au bon imprévu, pour un lecteur, vers le grand air !

          Puissent les poumons de cette communauté que Kléber Drouhin a souhaitée ce soir, s’en mettre jusque-là, et longtemps encore, oui, de cette VODAINIE-LUFT ! Et notre cœur, et la bonne folie de l’homme, notre survie à tous, mesdames et messieurs, en dépend ! EXPRIMER L'ESPÉRANCE PAR QUELQUE ÉTOILE, a dit Van Gogh, Vodaine EST À LA PLACE DES ÉTOILES, lui répond Louis Arti ! Oui, exprimons l'espérance par quelque poème de Vodaine. Ce soir, à Kinépolis, — La Guerre des Etoiles —

Elle peut attendre !

 

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* Kléber Drouhin, fondateur de l'Académie Ausone.

 

Claude Billon / Texte prononcé le 12 mars 1997 lors de la soirée en hommage à Jean Vodaine organisée par l’Académie Ausone, à Metz, au cours de laquelle la Médaille d’Or de ce cercle littéraire fut décernée au poète.
Photo : Jean Vodaine et Claude Billon lors de l'hommage rendu au poète par l'Académie Ausone de Metz.