« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

CORONA

 

 

 

L'automne me mange sa feuille dans la main.
Nous épluchons le temps et le faisons marcher ;
le temps s'en retourne dans sa coque.

C'est dimanche au miroir,
on sommeille quand on rêve,
la bouche dit la vérité.

Mon œil s'en va vers le sexe de l'aimée
et nous nous regardons ,
nous parlons d'obscur,
nous nous aimons comme s'aiment pavots et mémoire,
nous dormons comme vin en coquille,
comme la mer dort dans la lune sanguine.

De la rue on nous voit enlacés au carreau :
il est temps que l'on sache !
Il est temps que le galet consente à fleurir,
qu'un cœur batte pour l'inquiétude.
Il est temps qu'il soit temps.

Il est temps.

 

Paul Celan / Poèmes
traduction Denise Naville
Illustration : Paul Celan par David Levine