« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

COMPLAINTE DE LA BONNE DÉFUNTE

 

 

 

Elle fuyait par l'avenue,
Je la suivis illuminé,
Ses yeux disaient : « J'ai deviné
Hélas ! que tu m'as reconnue ! »

Je la suivais illuminé !
Yeux désolés, bouche ingénue,
Pourquoi l'avais-je reconnue,
Elle, loyal rêve mort-né ?

Yeux trop mûrs, mais bouche ingénue ;
Œillet blanc, d'azur trop veiné ;
Oh ! oui, rien qu'un rêve mort-né,
Car défunte elle est devenue.

Gis, œillet, d'azur trop veiné,
La vie humaine continue
Sans toi, défunte devenue.
— Oh ! je rentrerai sans dîner !

Vrai, je ne l'ai jamais connue.

Jules Laforgue / Les Complaintes