« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LES BIENS DE CE MONDE

 

 

 

Je suis las de fêter l'anniversaire de ma naissance
Avec de très vieilles gens et des amis de connivence
Te souvient-il de tes six ans
En sarrau noir et les genoux saignants
Tu pleurais dans les cours navrantes du collège
À cause du soleil du ciel et de la neige
J'ai publié tes premiers vers Tu m'écrivais
Sur des feuillets couleur saumon que tu volais
À tes parents Nous fûmes du même voyage
Marins du même bâtiment Dans la peine et dans le naufrage
Gardiens des mêmes sentiments
Mais à quoi bon renouer
À quoi bon revenir à pas lents dans l'allée
Et susciter au bord de l'ombre du mystère
Il s'agit aujourd'hui d'un autre anniversaire
Et par avance de fêter ce jour ah ! ce jour
Où je me glisserai dans la terre comme en un pantalon de
     velours
Mais n'étant pas encore exactement fixé
Sur la date du jour et le mois de l'année
Trois cent soixante-cinq ou six fois je célèbre
Le chapitre dernier et la mort du poète
Chaque jour de ma vie donne lieu à des joies
Qui ne sot pas celles des mourants et si j'en crois
La vigueur de mon sang et les anciens prophètes
Beaucoup de routes passeront sous ma fenêtre
Longtemps je marcherai à travers bois et champs
Avant perquisition finale des agents.

 

René Guy Cadou / Hélène ou le règne végétal