« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

France retrouvée

 

 

 

La lèpre avait rongé ce grand visage d'arbres
Les chemins étaient noirs comme une bouche en sang;
comme un regard aveugle
les yeux de notre ciel étaient devenus vides.
Dans la nuit sans amour dans la glu de la haine
nous nous passions de mauvais rêves sous les portes,
et dans les corridors
des machines de plomb imitaient des pas d'hommes…

Aujourd'hui le soleil allié aux canons
Soulève nos tombeaux tord les bras des prisons,
des hommes vrais les mains tendues sortent de l'ombre.
Tout, même la douleur enfin reconnaissable,
acclame crie ou pleure avec sa propre voix.
Je retrouve les nuits que j'avais oubliées
je retrouve ce cœur qui dormait sous la cendre
et comme un évadé sur le seuil ébloui
je touche avec des yeux avec des mains tremblantes
cette terre et ce ciel qui n'ont jamais trahi.

 

Jean Tardieu / Les dieux étouffés