« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

L'INCENDIE

 

 

 

Qu'allais-tu donc chercher à travers l'incendie
Derrière des vapeurs à la splendeur baroque
Par le secret d’un escalier en loques
Étranglé de lierres écarlates ?

Quel vœu te fit pousser une porte brûlante
Sainte face de feu et de cendre
À la limite d’un monde morne
Sournoiserie silence délabrement ?

Devant toi ce n’est plus maintenant
Que diamants et rubis qui jouent dans la poussière
Que plâtres retombés sur des carreaux de marbre
Avec des statues blanches des armes
Des mains de verre des vases pleins de larmes
Des nègres de velours et des roses passées
Au bas de murs caducs.

Il vient une dame éclatante et funèbre
Tôt apparue tôt disparue tôt reparue
Plus tôt encore nue
Qui est comme l'ombre d’une désolation.

Nue saignante et noire
Une flammèche en ses cheveux défaits
Rouge comme un œillet qui crèverait la suie.

Foulant aux pieds les pierres
L'or et l'argent le fracas du cristal
Indifférente à l’opulence ou à la ruine
Dans la beauté d’une heure catastrophique.

Et tu la trouvera peut-être bonne actrice
La géante qui s'étend avec tranquillité
Sur le pavement comme sous un couteau

Tandis qu’alentour explose et se disperse
Le luxe fou de son théâtre de toujours
Que mille langues engloutissent.

 

André Pieyre de Mandiargues / l'Âge de craie suivi de Hedera