LA CHANSON DU PÈLERIN
Par domcorrieras, le jeudi 5 octobre 2023 - Poèmes & chansons - lien permanent
Au gentil et gracieux trouvère de Lutèce
Victor Hugo
LA CHANSON DU PÈLERIN
Qui heurte, pendant la nuit sombre et pluvieuse,
à l'huis d'un châtel.
Comte en qui j'espère,
Soient, au nom du Père
Et du Fils,
Par tes vaillants reîtres,
Les félons et traîtres
Déconfits !
Coucher à ta porte,
Quand le vent n'apporte,
Cette nuit,
Sur ce lit sans toile,
Pas même l'étoile
De minuit !
Les murailles grises,
Les ondes, les brises,
La vapeur,
La porte propice
Qu'un lierre tapisse,
Me font peur.
Là-haut, le feu terne
De quelque lanterne,
Sous l'auvent
Qui pend en ruines,
Parmi les bruines,
Tremble au vent.
J'entends un veux garde
Qui de loin regarde
Fuir l'éclair,
Qui chante et s'abrite
Seul en sa guérite,
Contre l'air.
Je vois l'ombre naître
Près de la fenêtre
Du manoir,
De dame en cornette
Devant l'épinette
De bois noir.
Et moi, barbe blanche,
Un pied sur la planche
Du vieux pont
J'écoute, et personne
A mon cor qui sonne
Ne répond.
Comte en qui j'espère,
Soient au nom du Père
Et du Fils,
Par tes vaillants reîtres,
Les félons et traîtres
Déconfits !
10 juillet 1828.
Aloysius Bertrand / Le Keepsake fantastique