« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Je me meurs tous les jours en adorant Sylvie !

 

 

 

IX


Je me meurs tous les jours en adorant Sylvie !
     Mais dans les maux dont je me sens périr,
          Je suis si content de mourir,
     Que ce plaisir me redonne vie.

Quand je songe aux beautés, par qui je suis la proie
     De tant d'ennuis qui me vont tourmentant,
          Ma tristesse me rend content,
     Et fait en moi les effets de la joie.

Les plus beaux yeux du monde ont jeté mon âme
     Le feu divin qui me rend bien heureux;
          Que je vive ou meure pour eux,
     J'aime à la brûler d'une si belle flamme.

Que si dans cet état quelque doute m'agite,
     C'est de penser que dans tous mes tourments
          J'ai de si grands contentements,
     Que cela seul m'en ôte le mérite.

Ceux qui font en aimant des plaintes éternelles,
     Ne doivent pas être bien amoureux.
          Amour rend tous les siens heureux,
     Et dans les maux couronne ses fidèles.

Tandis qu'un feu secret me brûle et me dévore,
     J'ai des plaisirs à qui rien n'est égal,
          Et je vois au fort de mon mal
     Les cieux ouverts dans les yeux que j'adore.

Une divinité de mille attraits pourvue
     Depuis longtemps tient mon cœur en ses fers;
          Mais tous les maux que j'ai soufferts,
     N'égalent point le bien de l'avoir vue.

 

Vincent Voiture / Stances