« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Si ce n'est toi

 

 

 

Rien ne se passe or le monde s'estompe
la rose semble être là pour toujours
mais tous les trains s'en vont
personne ne dort dans ma couchette de boue
les racines du rêve sont d'autres rêves
Si ce n'est moi, qui se vêt de ma chair ?
Si ce n'est ici, où le mirage lève-t-il l'ancre ?
Si ce n'est maintenant, quand le temps peut-il être ?
Si ce n'est toi, que reflète ma conscience ?
Dans sa propre ombre le mur de l'âme fait naufrage
vers le bas le corps rampe avec ses désirs obscurs
le moi-même se dissout dans un tourbillon d'acide
l'esprit erre ouvert comme une fleur de néant
Il faudra s'habituer à vivre sans pouvoirs
engraissant la conscience comme une dinde de Noël
bâtissant l'espérance sur de faux miracles
faisant de l'incompréhensible une bannière de sage
crucifié, agonisant dans la pénombre du présent
s'il n'y a pas de point final comment parler de la naissance ?
Si ce n'est toi qui éclaire les avenues du rêve ?
S'il n'y a pas de commencement quand ceci peut-il exister ?
un diamant s'échouant dans le vide à jamais ?

 

Alejandro Jodorowsky / De ce dont on ne peut parler
Traduit de l'espagnol (Chili) par David Giannoni