« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

ABRÉVIATIONS

 

 

 

Printemps ou faux-semblant
miracle ou théâtre
fleurs ou pompes à précédents
papillons ou menaces ?
Des milliers de papillons
d'une beauté spasmodique
sur des fleurs
des pompes à précédents
des menaces et des théâtres par milliers
volent
taisant la limite de leur vie
limite dessinée
plus artistiquement que tout autre
par la main d'un abréviateur.
À peine touchent-ils une fleur
qu'ils passent à une autre
avec une hâte affreusement appuyée.
non qu'ils aient toujours soif
de défloraisons variées.
Ils sont pressés  de rattraper leur être.
Font leur choix dans une folle inquiétude,
consultent les fleurs dans l'angoisse,
vont-elles bien, ont-elles toutes la même heure,
car les fleurs elles aussi, au fond,
sont des pendules.

Vie papillonnaire.

Telle est aussi la vie des effleurements
qui sont le cocon des caresses
la passerelle de corde des approches.
Ils volent vers la peau en fleur
l'attente fleurie
et taisent
leur papillonnaire limite,
artistiquement falsifiée
par la main d'un rédacteur de rêves.
Printemps ou faux-semblant
j'ai ouvert et trouvé
une caresse écrasée
entre les nombreuses pages d'une vie des effleurements
que je rouvre souvent pour lire
commet se créent ces particules de toucher
et quel présupposé tisse le cocon
et ce qu'il tisse ensuite, mais aussi
ce qui, mon Dieu, tisse impunément
leur mort papillonnaire.

 

Kiki Dimoula / Mon dernier corps
traduit du grec par Michel Volkovitch