Anesthésie caudale
Par domcorrieras, le dimanche 21 mai 2023 - Poèmes & chansons - lien permanent
Le RER court vers les quartiers périphériques.
Il crache le matin sur la ville on dirait.
Les siamois longilignes de la voie ferrée e collent
contre les quais des gares, les écorchent.
Ils transpércent ensuite le désert vitreux des champs,
les étangs, les pièces d'eau résonnent
comme des cuivres anciens.
Accrochée à ma poche pend une breloque avec les squelettes
des quatre Beatles. Les voyageurs me prennent
pour un haut fonctionnaire
qui ne génère aucun bruit de fond.
Nous sommes au début du printemps. La force centrifuge
de la ville déplace le béton pulsatile vers les banlieues,
arrache la chair des navetteurs.
Comme un fleuve élastique, la ville coule, dévale.
On entrevoit, par endroits, l'hypocrisie glissante des contraires.
Les entrepôts, les usines désaffectées, les kokalars aux lèvres
doubles qui n'évacuent pas l'enceinte,
Un plongeon regarde pensif le ciel : il est égaré
parmi les vagues basses, vertes, de sigle,
À l'horizon, en pax, les dômes éternels ; leurs toits brillent
dans le ciel comme les crânes des skinheads.
Plus près, les insectes des ballastières et, tout autour,
les terrassiers sortis de leur état larvaire.
Partout, des services compétents. Ils me prennent pour
un haut fonctionnaire qui s'es disputé tôt le matin
avec sa secrétaire et s'est noué le cou autour
des roues du métro.
Au printemps,
les banlieux se collet toujours contre les nuages.
Rentrent en expansion.
Linda Maria Baros / La nageuse désossée - Légendes métropolitaines