« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LA MER SUICIDAIRE

 

 

Quand tu auras pleuré toute une mer
Le chagrin s'arrêtera.
Toutes les heures elle verse âcre
Une larmette à ton œil,
Et semble vouloir s'écouler en terre,
Cheminant par nous.
Amère au goût, tiède aux lèvres,
Mais la voilà tarie déjà.
Coulait et s'épanchait la source,
Puis plus rien, partie.
Or tout ce qui était au fond d'elle
Vers moi a jailli aussi,
Tout ses poulpes,
Ses coraux et ses pierres
Ont heurté l'envers des yeux
A coups de queue, à coups méchants de becs,
Ils frappent, ils sautent, sautent les yeux.
Pourquoi les miens ?
En quels lieux de désastre, mer
T'es-tu donc trouvée,
Que tu aies voulu soudain t'éparpiller
En maigrelettes larmes humaines ?

 

Elena Schwarz
Elena Schwarz (ou Shvarts ou encore Švarc) dans les années 1960 (photo de N. Koroleva)