« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

TÊTE D'OR


 

 

Un vaincu parle :

 

Toi Tête d'Or qui hantes ma pensée

Depuis que nos gens ont capitulé

J'ai rêvé que tu étais amenée

Par des guerriers brutaux et basanés

Dans le secret de ma chambre fermée

Les poignets derrière les reins liés

Captive et que j'étais moi condamné

À te contempler aux vainqueurs livrée

Comme une qui va être sacrifiée

Ou tout au moins dans sa pudeur blessée

Mais tes yeux bleus brillaient à cette idée

Au pilori je t'ai vite enchaînée

Tes cheveux ont été échevelés

Ta bouche bée a tôt été baisée

Et ta  langue ne s'est plus refusée

Une fois que tu as été souffletée

Puis ta blouse toute déboutonnée

Sur les poignets a été repoussée

En proposant ton torse dénudé

Ta ceinture au ras des pieds est tombée

Ta jupe ouverte a été retirée

Ta petite culotte est arrachée

Tu te sens par maintes mains explorée

Tes seins nus sont saisis et soupesés

Ton ventre nu est partout caressé

Tes cuisses nues se trouvent écartées

Dans ton sexe deux doigts ont pénéré

Dans ton anus un autre s'est glissé

Sans rébellion de ta croupe empaumée

Tu as gémi  un peu d'être branlée

Ainsi jusqu'à ce qu'on t'ait détachée

Et que sur le lit tu sois allongée

Laissant patiemment ton corps exploité

Ouvert en tous points un seul excepté

Qui est celui de tes yeux refermés

Dans le bonheur enfin d'être violée

Sans aucun mot sans cesse et sans pitié…

 

(8 septembre 1981)

André Pieyre de Mandiargues / Gris de perle - Dernier cahier de poése