« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Le violet


 

 

Je t'ai surpris dans les prairies humides avec les herbes et

     dans les cieux loin du soleil pour la première fois

On t'a nommé symbole de la modestie, pendant de la

     pureté, la plus grande des vertus

Rares fruits peuvent t'embaucher comme couverture de

     chair

Tu fuis les lèvres des hommes, les parole, les soirées

Ne t'aiment ne te désirent que ceux qui de la vie ont

     peur de la terreur

Pourquoi t'es-tu transporté à travers tout le monde

     pour aller en Afrique et dans les pays nègres te

     blottir sous les lèvres des hommes insoupçonnés

Je n'ai pu t'approcher que dans les drames humains

Quand l'homme doit retourner à la terre, son sosie…

     ou au contraire grimper vers l'Éternel son maître…

     à ces deux pôles tragiques de la vie de chaque jour

     c'est à toi que toujours il demande un passeport

car je ne t'ai vraiment vu que dans le céleste arc et dans

     les cimetières

Ni odeur ni parfum, ni écho de voix d'homme, ni

     musique aérienne, ni même le papier à mille destins

     livré n'ont jamais d'honneur à être ta

     ressemblance

Bannie est ta couleur même dans sa forme humaine car

     les noirs ne te montrent que leurs rares sourires

Pourquoi sur tant de place ton choix est-il extrême

Pourquoi aux hommes tant épris de mesure

     proposes-tu de choisir entre toi et le reste

C'est que ne peuvent comprendre sommets et

     toute puissance que ceux qui des bas-fonds ont pu

     ascensionner

C'est  que corps et esprit constituent deux mesures tout

     à fait différentes

Pourquoi sur les humains as-tu choisi les femmes pour

     perpétuer ton nom et les gencives des nègres pour

     demeurer en l'homme

C'est que, dit le violet, fragile est mon nom et douceur

     est ma chair

Seule la matrice humaine et les hommes de l'avenir ont

     la sève qu'il me faut

Jean Métellus / Au pipiritre chantant