Le jazz de la veuve
Par domcorrieras, le mercredi 27 avril 2022 - Poèmes & chansons - lien permanent
1
La chair blanche frémit à l'âme noire
Chicago ! Chicago !
Une plainte intraduisible
d'un enchevêtrement de pâles serpents s'élance
vers l'extase léthargique des pas
qui retournent au but primitif
L'homme blanc délaisse ses manières de comédien
les frères de couleur ont la lune dans les yeux
Hantés par les instruments à vent
dans les bosquets de la grâce
les jeunes pousses
s'inclinent sur les hautbois
et les gigolos gominés
rôdent autour des tabous sanglotants
Un clown électrique
fait résonner avec fracas les cargaisons furtives du plancher
Les silhouettes découpées
se dissolvent
dans les bas-fonds cuivrés de la dissonance
mimes tournoyants
d'Éros abuseur
de l'adolescence
Noirs les anges brutes
dans leur gant d'homme
mugissent à travers la monstrueuse excroissance de troncs
métalliques
et d'espiègles musiques
émiettent le pain extatique
devant un parterre de colombes en syncope
2
Cravan
l'absent colossal
la ténèbre suppléante
déferle sur ce riche sâti
mémoire incandescente
de l'amour survivant
brûlée par les flammes du son
l'urne veuve
impuissante renferme
ton rire assassiné
Époux
comment en secret tu m'as cocufiée avec la mort
et tandis que ce jazz cajoleur
respire de son souffle tropical
parmi les échos de la chair
synthèse
de la caresse des races
l'ange et l'âne
dans l'infaillible espéranto
du monde
parlent
du plaisir jamais éteint
alors que mon désir
parcourant
la distance de la mort
recherche
le silence opaque
d'un espace dépeuplé
Mina Loy / Il n'est ni vie ni mort - Poésie complète
traduit de l'anglais par Olivier Apert