« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Je fuy les pas


 

 

XVIII

 

Je fuy les pas frayez du meschant populaire,

Et les villes où sont les peuples amassez :

Les rochers, les forests desja sçavent assez

Quelle trampe a ma vie estrange et solitaire.

 

Si ne suis-je si seul, qu'Amour mon secretaire

N'accompagne mes pieds debiles et cassez

Qu'il ne conte mes maux et presens et passez

A ceste voix sans corps, qui rien ne sçaurait taire.

 

Souvent plein de discours, pour flatter mon esmoy,

Je m'arreste, et je dy : Se pourroit-il bien faire

Qu'elle pensast, parlast, ou se souvînt de moy ?

 

Qu'à sa pitié mon mal commençast à desplaire ?

Encor que je me trompe, abusé du contraire,

Pour me faire plaisir, Helene, je le croy.

Pierre de Ronsard / Les sonnets pour Hélène