« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

CHANSON


 

I

Plus estroit que la Vigne à l'Ormeau se marie

De bras souplement-forts,

Du lieu de tes mains, Maitresse, je te prie,

Enlasse moy le corps.

 

2

Et feignant de dormir, d'une mignarde face

Sur mon front panche toy :

Inspire, en me baisant, ton haleine et ta grace

Et ton cœur dedans moy.

 

3

Puis appuyant ton sein sur le mien qui se pâme,

Pour mon seul appaiser,

Serre plus fort mon col, et me redonne l'ame

Par l'esprit d'un baiser.

 

4

Si tu me fais ce bien, par tes yeux je te jure,

Serment qui m'est si cher,

Que de tes braz aimez jamais nulle aventure

ne pourra m'arracher.

 

5

Mais souffrant doucement le joug de ton empire,

Tant soit-il rigoureux,

Dans les champs Elisez une mesme navire

Nous passera tous deux.

 

6

Là morts de trop aimer, sous les branches Myrtines

Nous voirrons tous les jours

Les Heros pres de nous avec les Heroïnes

Ne parler que d'amours.

 

7

Tantost nous danserons par les fleurs des rivages

Sous les accords divers,

Tantost lassez du bal, irons sous les ombrages

Des Lauriers toujours verds :

 

8

Où le mollet Zephire en haletant secouë

De soupirs printaniers

Ores les Orangers, ores mignard se jouë

Parmy les Citronniers.

 

9

Là du plaisant Avril la saison immortelle

Sans eschange se suit :

La terre sans labeur de sa grasse mammelle

Toute chose y produit.

 

I0

D'embas la troupe saincte, autrefois amoureuse,

Nous honorant sur tous,

Viendra nous saluer, s'estimant bien-heureuse

De s'accointer de nous.

 

II

Et nous faisant asseoir dessus l'herbe fleurie

De toutes au milieu,

Nulle, et fust-ce Procris, ne sera point marrie

De nous quitter son lieu.

 

I2

Non celles qui s'en vont toutes seules ensemble,

Artemise et Didon :

Non ceste belle Grecque, à qui ta beauté semble

Comme tu fais de nom.

Pierre de Ronsard / Les sonnets pour Hélène