« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Ces longues nuicts d'hyver


 

 

XXIII

 

Ces longues nuicts d'hyver, où la Lune ocieuse

Tourne si lentement son char tout à l'entour,

Où le Coq si tardif nous annonce le jour,

Où la nuict semble un an à l'ame soucieuse :

 

Je fusse mort d'ennuy sans ta forme douteuse,

Qui vient par une feinte alleger mon amour,

Et faisant, toute nue, entre mes bras séjour,

Me pipe doucement d'une joye menteuse.

 

Vraye tu es farouche, et fiere en cruauté :

De toy fausse en jouyst en toute privauté.

Pres ton mort je m'endors, pres de luy je repose.

 

Rien ne m'est refusé. Le bon sommeil ainsi

Abuse par le faux mon amoureux souci.

S'abuser en amour n'est pas mauvaise chose.

Pierre de Ronsard / Le second livre des sonnets pour Hélène