« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

J'ai laissé, je ne suis pas revenu


 

 

     J'ai laissé, je ne suis pas revenu.

Je n'ai rien touché. Sauf la luzerne.

 

     Je sors du pré,

                       d'une goutte de rosée,

 

      comme si je n'avais vu le jour qu'aujourd'hui

 

              à l'instant.

     C'était l'hiver, l'écluse.

 

     Je n'avais droit qu'au clocher. Au passant, à cette

lampe minuscule mais irréductible qui tremblait dans

sa voix. Comme on écrit sur une table bancale.

 

          Quel jour sommes-nous ?

          Quelle heure est-il ?

 

     Ne dites rien tant que je dessine un visage.

Je m'octroie l'aube et le crépuscule.

 

     La palette.

 

     La pelote.

 

     Je soigne cet instant comme une souffrance, dans

un visage.

 

     Comme un refus.

 

   Que j'emporte, que je cache.

 

   Dans un fil, dans une corde. Que j'accroche à ce

que j'écris.

 

     Et je retrouve le pré.

 

     L'autre linge. Ce silence dans le drap que mon

corps aura creusé, comme dans une rivière. Dans la

craie. Le linge mouillé du ciel.

Thierry Metz / terre (extrait)