Ça faisait des heures que je me tortillais dans mon lit à chercher le sommeil. J'arrivais nulle part, comme un escargot saoul.

     Au bout d'un moment, ça m'a rendu dingue. J'ai fermé les yeux si fort que j'ai pu commencer à compter les moutons.

     J'ai dû compter cinquante mille de ces salopards.

     J'ai laissé tomber quand ils ont commencé à me compter.

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     Il était à peu près trois heures du matin quand le fantôme de mon frère Jake est venu me rendre visite.

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     J'étais allongé là, me demandant si un petit malin avait eu l'idée de compter les femmes nues, quand le fantôme de Jake est entré.

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     Jake était mort depuis à peu près six ans. J'étais plutôt surpris de le voir.

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     Jake ressemblait à n'importe qui, sauf qu'il luisait et que je pouvais voir à travers lui.

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     « Salut », a dit Jake.

     « Ça fait un bail », j'ai dit.

     On s'est serré la main.

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     Jake s'est assis sur le lit.

     « T'as l'air en forme, il a dit, vraiment e forme. »

     « T'as l'air d'aller, aussi, j'ai dit, mais je vois à travers toi. »

     « C'est comme ça quand t'es mort », a dit Jake

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     On est resté assis à parler un moment de tout un tas de choses.

     On avait plein de trucs à se raconter.

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     Après un moment, on s'est levé et on est allé dans la cuisine, et on a sorti quelques cannettes de bière du bac à glaçons.

     moi et Jake, on est resté assis dans la cuisine à boire de la bière et à discuter encore.

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     C'était sacrément bon de revoir Jake.

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     On apprécie pas vraiment les gens tant qu'ils ne sont pas morts depuis plusieurs années.

Richard Brautigan / Pourquoi les poètes inconnus restent inconnus
Traduit de l'anglais par Thierry Beauchamp et Romain Rabier