« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

AMIS CARRÉS, ÉTROITS


 

 

Tous ces endroits carrés murs hauts ou bas

On y laissait tomber sur tous les sièges

Cette fatigue de trottoir d'air et de brique

Dont chaque pas s'embarrassait dehors.

 

Vienne : une chambre dont la porte

Mordait, le lit de fer n'était pas assez grand

Pour contenir un besoin de pleurer

Et pourtant j'ai vécu dans ce faux jour d'éclipse.

 

A Nice j'habitais un pavillon cruel

Qui pesait sur la tête, où l'ombre était si dure

Qu'on s'y cognait, mais les bras d'une vigne

M'ont rappelé qu'il n'est pas d'ombre sans chaleur.

 

Te souviens-tu de cette fenêtre têtue

Dans une chambre d'Amsterdam ? Tu ne pouvais

Dormir parce qu'en face de l'hôtel la Bourse

Jour et nuit s'étalait comme un quartier de chair.

 

Un peu partout j'ai de ces souvenirs de plâtre

De papiers peints, de quatre murs, amis carrés,

Etroits, meilleurs que les courbes jardins,

Où j'ai pu sans témoin dévisser ma fatigue.

Franz Hellens / Amis carrés, étroits (1921)