« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

EN FORÊT


 

 

Dans la forêt étrange c'est la nuit ;

C'est comme un noir silence qui bruit ;

 

Dans la forêt, ici blanche et là brune,

En pleurs de lait filtre le clair de lune.

 

Un vent d'été, qui souffle on ne sait d'où,

Erre en rêvant comme une âme de fou ;

 

Et, sous des yeux d'étoile épanouie,

La forêt chante avec un bruit de pluie.

 

Parfois il vient des gémissements doux

Des lointains bleus pleins d'oiseaux et de loups ;

 

Il vient aussi des senteurs de repaires ;

C'est l'heure froide où dorment les vipères,

 

L'heure où l'amour s'épeure au fond du nid

Où s'élabore en secret l'aconit ;

 

Où l'être qui garde une chère offense,

Se sentant seul et loin des hommes, pense.

 

— Pourtant la lune est bonne dans le ciel

Qui verse, avec un sourire de miel,

 

Son âme calme et ses pâleurs amies

Au troupeau roux des riches endormies.

Germain Nouveau / Poésies d'Humilis et vers inédits