« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LANGUEUR D'ELEPHANT


 

 

J'avais de la grandeur, ô cher Mississippi !

Par mépris des poètes, gastéropode amer,

Je partais, mais quel amour dans les gares et quel sport

     sur la mer !

Record ! J'avais six ans (aurore des ventres et fraîcheur du

     pipi !)

Et ce matin à dix heures dix le rapide

Qui flottait sur les rails croisait des trains limpides

Et me jetait dans l'air, toboggan en plongeon.

C'était le cent à l'heure et malgré la rumeur,

Le charme des journaux enivrait les fumeurs.

Et bien que le convoi fût ainsi lancé,

Entraîneur aimantant albatros et pigeons,

A cette allure folle l'express m'avait bercé.

Mes idées blondissaient, les blés étaient superbes,

Les herbivores broutaient dans le vert des prés,

 

J'étais fou d'être boxeur en souriant à l'herbe.

Arthur Cravan / Exercice poétique