« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Coloré, ce mensonge que tu vois


 

 

Coloré, ce mensonge que tu vois,

qui de l'art fait montre des merveilles

par de faux syllogismes de couleurs,

n'est au sens qu'une cauteleuse fraude ;

 

cet objet où la flatterie a voulu

des années les horreurs estomper,

et du temps défaisant les rigueurs

triompher de l'âge et de l'oubli,

 

n'est du soin qu'un artifice vain,

une fleur au vent délicate,

un recours inutile contre le destin :

 

c'est une sotte diligence qui fait erreur,

un désir caduc et, à bien regarder,

un cadavre, une poussière, une ombre, rien.

 

 

…………..

 

 

Este, que ves, engaño colorido,

que del arte ostentado los primores,

con, falsos silogismos de colores

es cauteloso engaño del sentido;

 

éste, en quien la lisonja ha pretendiido

excusar de los años los horrores,

y venciendo del tiempo los rigores

triunfar de la vejez y del olvido,

 

es un vano artificio del cuidado,

es una flor al viento delicada,

es un resguardo inútil para el hado:

 

es una necia diligencia errada,

es un afán caduco y, bien mirado,

es cadáver, es polvo, es sombra, es nada.

Sor Juana Inés de la Cruz / Sonnets - Où la Poétesse cherche à démentir les éloges occasionnés par un portrait d'elle-même inscrits par la vérité, qu'elle nomme passion
Traduit de l'espagnol (Mexique) par Jean-Luc Lacarrière