« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

AUX CONFINS du monde


 

 

AUX CONFINS du monde, là où

Assurément le paysage

Est chose valant le voyage

Qui ne nous y conduit jamais,

 

Il existe un puits (nous enseigne

Le titre d’un auteur anglais) :

Y est-on heureux ? Y meurt-on

Enfin pour toujours ? Je l’ignore.

 

Alors voilà. Chez moi j’ai mis

Ce puits à grands tours de magie.

Mes rêves, nuit et jour, y puisent,

J’y descends : l’eau est peu profonde.

 

Sur une balançoire haute,

Loin du monde et loin de moi-même,

Enjoué, je crache dans l’eau

Pour voir comment les cercles meurent.

 

Chacun de nous doit être utile :

Les hommes partant au travail

Dans l’illusion, pure surface,

Ne jouent pas de meilleures cartes.

 

Me voici donc le prolétaire

De ce puits où je peux cracher

De ma balançoire esseulée.

Qui finira par y tomber.

Fernando Pessoa / Anthologie essentielle
Traduit du portugais par Patrick Quillier