« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Les cabinets


 

 

On aime, on est petit

On s’embrasse dans les cabinets

Petite peur quand même

L’odeur aiguë

 

On ferme le loquet : c’est un lieu

Les mains sont moites, les aisselles sentent

Odeur de cheveux

On s’embrasse : on sort un peu la langue (il faut)

Frôlement des corps : c’est nouveau.

 

Les filles avec leurs dessins, leurs cœurs

Elles chantent, elles rient, elles offrent des mèches de

            cheveux

Les garçons aimeraient leur mettre un doigt dans la

            chatte

Et se faire toucher la queue

Ils aimeraient les enculer un peu

Oui, ils aimeraient bien ça.

 

On a un chewing-gum dans la bouche : on se le passe

La salive et la chlorophile

Odeurs de peau

Les records avec les copains

Les mensonges

Petite peur quand même.

 

Des fois, on est sur un banc

On s’embrasse dans le cou

Herbes et cheveux

On chante des chansons qui parlent d’amour

Et on insiste sur les mots : « Je t’aime » ou « L’amour »

            ou « Nous deux », ou « Pour la vie »

En se regardant droit dans les yeux.

 

On aime, on est dans le mystère.

On aime bien aller dans les cabinets.

Jean-Michel Espitallier / Pont de frappe