« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

THALIDOMIDE


 

 

Demi-lune —

 

Demi-cerveau clair —

Nègre masqué comme un blanc,

 

Tes amputations rampent

Noires et monstrueuses —

 

Araignées tissant au hasard.

Quel gant

 

Quel cuir solide

A pu me garder

 

De cette ombre —

Bourgeons indélébiles,

 

Phalanges nouées aux épaules,

Visages dérivant

 

Vers l’existence, entrainant

L’embryon d’absences

 

Élagué, sanglant.

À longueur de nuit je bâtis

 

Un abri pour ce qui m’a été donné,

L’amour

 

De deux yeux humides, d’un cri frêle.

Crachat blanc

 

De l’indifférence !

Les fruits noirs font leur cycle et tombent.

 

Le verre se fêle,

L’image

 

Avorte et fuit, mercure éclaté.

Sylvia Plath / Arbres d’hiver
traduction de Françoise Morvan et Valérie Rouzeau