« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

C’EST UN PAYS


 

I

 

C’est un pays de montagne,

mettez vos pas dans mes pas,

mes chers amis, soyez purs

soyez fins comme la neige —

on entend siffler déjà

l’ombre d’un hiver futur ;

c’est bien plus haut qu’on ne pense,

vous n’êtes pas seuls, suivez,

suivez-moi ; où êtes-vous ?

Ils tombaient sur les genoux)

C’est bien plus haut qu’on ne pense

(Pourquoi n’avancent-ils plus ?)

C’est un pays de silence.

Celui qui parle est perdu.

 

IV

 

Sable pur et stérile

crépitantes orties

devenez mon asile !

Mes dures amitiés,

mes pierres calcinées,

les plis de vos années

me font signe sans geste

et me parlent sans lèvre.

 

Chers compagnons du monde,

vos verres sont trop lourds

je bois à même l’onde.

 

VI

 

Grands os tranquillisés,

bouquets de patience,

caressés, caressés

par les lisses années,

par les pierres âgées,

les méditantes eaux.

 

Et toi, maigre nature,

la noble tête allée

au riche goût du vide,

les orbites rendues

à l’azur voyageur,

la bouche enfin, la bouche

ouverte à tous les vents.

 

Mais l’âme souhaitée

s’arrête sur le seuil.

Elle n’ose habiter

cette sèche demeure.

Que perdure l’absence

et les vents sans raison

et le cri des saisons

— ô déserte maison ! —

 

VII

 

Orgueil et chasteté

poème bien gardé

ces mots ne livrent pas

ta profonde figure.

 

Tu demeures, tu dors

serein et sûr de toi

comme une pierre dure

qui contient un peu d’or.

Géo Norge