« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LE GRAND DISEUR ÉVOQUE LE SOLEIL

 

 

Salut, ver arpenteur du ciel,

creuset où fond la poudre

de la lumière en mouvement !

 

Salut, ver arpenteur des mers,

grand miroir où fusionnent

l’eau et le sel en mouvement !

 

Salut, ver arpenteur du temps,

sablier où fusionnent

le jour et l’ombre  en mouvement !

 

Le soleil salue le poisson,

il lui apprend comment il est,

au gazouilleur

il dit :

« Ne te prends pas pour une fleur »,

l’oiseau le sait,

mais n’est-il pas possible de rêver ?

D’être en rêve fleur ou bateau ?

 

Le soleil fixe le bouleau,

il lui apprend comment il est,

mais à quoi bon se réveiller

si l’on rêvait

u’on était ciel nuitamment bleu ?

 

Le soleil salue la gazelle,

il lui apprend comment elle est :

pour voler elle n’a point d’ailes

mais quatre pieds…

 

Le soleil salue l’homme,

il peint son ombre, en somme

il lui apprend comment il est…

 

Le soleil salue le soleil

en se copiant dans l’eau des mers,

il ignore comment il est,

car si dans le ciel il marche à l’endroit

sur la mer il marche à l’envers…

 

Le soleil salue le poisson,

l’oiseau,

l’homme,

le bouleau

qui sont autrement qu’ils ne sont.

Le soleil se salue lui-même

en ignorant comment il est…

Miguel Ángel Asturias / Le Grand Diseur