« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

VII - FERNAND DE MAGELLAN

 

 

Dans la vallée un brasier flamboie.

Une danse secoue la terre entière.

Et des ombres difformes et décomposées

En noires lueurs jaillissent soudain

Sur les pentes de la vallée,

Et vont se perdre dans l’obscurité.

 

Qui fait cette danse qui atterre la nuit ?

Ce sont les Titans, les fils de la Terre,

Qui dansent et dansent pour la mort du marin

Qui voulut encercler tout le corps de sa mère —

L’encercler, premier d’entre les hommes —,

Dont une plage au loin garde la sépulture.

 

Ils dansent, sans savoir que l’âme audacieuse

Du mort commande encor la flotte,

Poignet sans corps tenant le gouvernail

Des navires partis au fin fond de l’espace :

Même absent il sut enlacer

La terre entière de son étreinte.

 

Il viola la Terre. Mais ils n’en savent rien,

Et dans la solitude ils dansent ;

Et leurs ombres difformes et décomposées

Qui aux quatre horizons se perdent,

Depuis le val bondissant sur les flancs

Des montagnes muettes.


 

FERNÃO DE MAGALHÃES

 

No alle clareia uma fogueira.

Uma dança sacode a terra inteira.

E sombras disformes e descompostas

Em clarões negros do valle vão

Subitamente pelas encostas,

Indo perder-se na escuridão.

 

De quem é a dança que a noite aterra ?

São os Titans, os filhos da Terra,

Que dançam da morte do marinheiro

Que quiz cingir o materno vulto —

Cingil-o, dos homens, o primeiro —,

Na praia ao longe por fim sepulto.

 

Dançam, nem sabem que a alma ousada

Do morte ainda commanda a armada,

Pulso sem corpo ao leme a guiar

As naus no resto do fim do espaço :

Que até ausente soube cercar

A terra inteira com seu abraço.

 

Violou a Terra. Mas elles não

O sabem, e dançam na solidão ;

E sombras disformes e descompostas,

Indo perder-se nos horizontes,

Galgam do valle pelas encostas

Dos mudos montes.

Fernando Pessoa / message (mensagem)
Traduction de Bernard Sesé