« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

HÔTEL DES ÉTINCELLES

 

 

Le papillon philosophique
Se pose sur l’étoile rose
Et cela fait une fenêtre de l’enfer
L’homme masqué est toujours debout devant la femme
     nue
Dont les cheveux glissent comme au matin la lumière
     sur un réverbère qu’on a oublié d’éteindre
Les meubles savants entraînent la pièce qui jongle
Avec ses rosaces
Ses rayons de soleil circulaires
Ses moulages de verre
A l’intérieur desquels bleuit un ciel au compas
En souvenir de la poitrine inimitable
Maintenant le nuage d’un jardin passe par-dessus la
     tête de l’homme qui vient de s’asseoir
Il coupe en deux la femme au buste de magie aux yeux
     de Parme
C’est l’heure où l’ours boréal au grand air d’intelligence
S’étire et compte un jour
De l’autre côté la pluie se cabre sur les boulevards
     d’une grande ville
La pluie dans le brouillard avec des traînées de soleil
     sur des fleurs rouges
La pluie et le diabolo des temps anciens
Les jambes sous le nuage fruitier font le tour de la
     serre
On n’aperçoit plus qu’une main très blanche le pouls
     est figuré par deux minuscules ailes
Le balancier de l’absence oscille entre les quatre murs
Fendant les têtes
D’où s’échappent des bandes de rois qui se font aussitôt
     la guerre
Jusqu’à ce que l’éclipse orientale
Turquoise au fond des tasses
Découvre le lit équilatéral aux draps couleur de ces
     fleurs dites boules-de-neige
Les guéridons charmants les rideaux lacérés
A portée d’un petit livre griffé de ces mots Point
     de lendemain
Dont l’auteur porte un nom bizarre
Dans l’obscure signalisation terrestre

André Breton / Clair de terre