« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

CROYANCE

 

 

Souvent il m’apparut sous la forme d’un ange
        Dont les ailes s’ouvraient,
Remontant de la terre au ciel où rien ne change;
Et j’ai vu s’abaisser, pleins d’une force étrange,
        Ses bras qui m’attiraient.

Je ne l’ai pas rêvé, je l’ai vu. La nuit même,
        Où le cœur entend tout,
Je n’entendais que lui dire : « C’est moi qui t’aime;
C’est moi qui t’aimerai d’une ferveur extrême
        Sur la terre et partout. »

Ses yeux bleus se fondaient en lumières humides,
        Pour inonder mes yeux :
J’étais illuminée et pâle; et, moins timides,
Mes deux mains se changeaient en deux ailes rapides
        Pour l’aller voir aux cieux !

Je montais, je sentais de ses plumes aimées
        L’attrayante chaleur;
Nous nous parlions de l’âme, et nos âmes charmées,
Comme le souffle uni de deux fleurs embaumées,
        N’étaient plus qu’une fleur !

Et je tremblerai moins pour sortir de la vie,
        Il saura le chemin :
J’en serai de bien près devancée ou suivie;
Puis entre Dieu qui juge ma crainte éblouie,
        Il étendra sa main.

Son souffle lissera mes ailes sans poussière,
        Pour les ouvrir à Dieu,
Et nous l’attendrirons de la même prière;
Car c’est l’éternité qu’il nous faut tout entière :
        On n’y dit plus adieu !

Ce nœud tissu par nous dans un ardent mystère,
        Dont j’ai pris tout l’effroi,
Il dira que c’est lui, si la peur me fait taire;
Et s’il brûla son vol aux flammes de la terre,
        Je lui dirai que c’est moi !

Marceline Desbordes-Valmore