Dans ma rue
Par domcorrieras, le jeudi 31 mars 2016 - Poèmes & chansons - lien permanent
Dans ma rue
les oiseaux font du chahut font du chahut
et s’égosillent à qui mieux mieux
pour chanter siffler dire la vie
cette belle vie qui les anime.
Dans ma rue
été comme hiver
une petite dame un peu simplette marmonne
se raconte invective se rassure
elle marche penchée très tôt le matin
jusqu’au soir elle parle marche trotte
se parle marche et se parle encore.
Dans ma rue
la nuit s’étire l’ombre
d’un poteau télégraphique
s’il pleut l’ombre brille sur l’asphalte
c’est une croix inversée
qui s’allonge qui s’étire
et se tait toute la nuit.
Dans ma rue
chaque soir retentissent
les rires d’une truie qu’on chatouille
à l’apéro chaque soir
chaque soir glousse
grommèle ma grosse truie
de voisine.
Dans ma rue
y’a la police qui passe et repasse
dans des voitures municipales
municipale la police
qui passe et repasse
sans mal y pense
toujours pressée
de ne rien voir.
Dans ma rue
ma grasse voisine
convoque la police
c’est ma musique ma musique
qui l’empêche de glousser
ma laide laie de voisine
à l’apéro et qui couine.
Dans ma rue
traversent les galopins des écoles
en file derrière leurs maîtres les petits
en grappes qui s’égayent les ados
courent et s'attrapent les enfants
qui crient se chamaillent
qui se rient de tout.
Dans ma rue
c’est une femme d’un certain âge
tout le monde la connaît Madame L
elle accompagne les enfants à l’école
tous les petiots du quartier
sans jamais se plaindre
ni rien demander toujours alerte
Madame L qui les accompagne
au portail et les ramène.
Dans ma rue
c’est le facteur qui vient
porter le courrier à midi
souvent c’est une factrice
juchée sur son vélo jaune
qui distribue les rappels
des impôts sommations de payer
avant le dix-huit de ce mois
sur son vélo jaune à midi.
Dans ma rue
je salue de la main
l’homme qui n’a plus de cordes vocales
il est maigre et promène son chien
il ne peut parler qu’à travers un micro
qu’il pose contre sa gorge
je le salue de la main
il promène son chien
me salue de la main.
Dans ma rue
s’acoquinent les caïds
autour des bagnoles de luxe
aux vitres teintées
ils bombent le torse
interpellent les filles
qui baissent la tête
leur font des signes des lazzis
avant d’aller serrer la main
d'autres caïds qu’ils connaissent
si bien qu'ils bombent le torse.
Dans ma rue
c’est chaque jour
un ballet d’autobus
de longs cars scolaires
qui transportent vers Metz
vers Thionville ou ailleurs
les gamins des petites écoles
et du collège Verlaine
chaque jour un ballet d’autobus.
Dans ma rue
ce sont les chats les plus fiers
ont toujours des choses à faire
les chats roux les chats gris
ont toujours des choses à voir
de l’autre côté du trottoir
les chats noirs les chats blancs
et les chattes si fières.
Dans ma rue
au printemps fleurissent
de rose les pruniers du Japon
alignés comme soldats de plomb
ensuite viendra le temps
des cerisiers gorgés de fruits
et les congrégations de corneilles
sur les lignes électriques
posés jusqu’au prochain hiver
tout blanc quand reviendra le temps.
Dans ma rue
qui porte le nom de Schuman
un Robert qui n’était pas musicien
et que croise la rue Sainte Marie
où les chats les enfants traversent
tandis que batifole sous les toits
une nichée de pouillots siffleurs
des pioupious qu’on dirait musiciens
persiffleurs passereaux musiciens.
Dans ma rue
du balcon où je fume
j'énumère les heures les corneilles
je vois passer la factrice
juchée sur son vélo jaune
je vois passer la police
et chaque jour le ballet des autobus
en attendant le soir
quand pour l’apéro couinera ma voisine
d’en dessous du balcon
où je fume où je tousse.
© Dom Corrieras / Maizières-lès-Metz - Mars 2016