COMPLAINTE DE LA LUNE, LUNE
Par domcorrieras, le samedi 2 janvier 2016 - Poèmes & chansons - lien permanent
La lune vint à la forge
en jupe de tubéreuse
et l’enfant ouvrit sur elle,
ouvrit, ouvrit ses grands yeux.
Dans l’air tout ému, la lune
bouge ses bras et ses mains,
en montrant, lubrique et pure,
ses deux seins de dur étain.
Va-t-en lune, lune, lune.
S’ils arrivaient, les Gitans
feraient de ton cœur parure
d’anneaux et de colliers blancs.
Petit, laisse-moi danser.
Lorsque les Gitans viendront,
tes jolis yeux seront clos,
sur l’enclume ils te verront.
Va-t-en lune, lune, lune,
je les entends galoper.
Petit, ne marche pas sur
ma blancheur amidonnée.
Le cavalier traversait
la plaine, tambourinaire,
et dans la forge l’enfant
avait fermé les paupières.
Au milieu des oliviers,
les Gitans de bronze et rêve
ont la tête relevée
et leurs yeux sont entrouverts.
Comme chante sur son arbre,
oh, chante le chat-huant,
dans le ciel passe la lune,
tenant la main d’un enfant.
Les Gitans dedans la forge
poussent des cris en pleurant
et le vent la veille, veille.
La veillent l’air et le vent.
Federico García Lorca / Complaintes gitanes