« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Les couilles enragées

 

 

 

 

 

 

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    Peu à peu, Branleur apprenait à les reconnaître. Le vénérable vieillard qui, d’une main tremblante, promenait son blason presque usé sur sa queue engourdie,  était le chef de famille, leur ancêtre à tous et le sien également, le noble chevalier Pissat de la Verge-Basse. Compagnon de Saint Louis, il eut plus d’une fois l’honneur de l’enculer. Une miniature de l’époque le représente sodomisant le roi. Tous deux sont sont sous le chêne traditionnel où le roi rend la justice. Une foule d’ouvriers et de paysans les entoure. Le roi tranche leurs différends. Mais l’histoire qui nous rapporte cette anecdote ne nous dit pas le procédé qu’employait le roi pour que cette justice ait un caractère en quelque sorte automatique : c’était celui dont les couilles étaient les plus grosses et les plus duveteuses qui avait raison. L’attitude du peuple sur la miniature en question le montre bien : tous ont les couilles à la main comme s’ils voulaient les offrir en présent au roi.

    Son fils, Préputio, que le même Saint Louis fit comte de L’Enculade, était célèbre à la cour pour sa collection de queues et de cons qu’il avait pris aux infidèles et fait naturaliser. Un jour, pourtant, cette passion de la collection faillit le mener au bûcher. Il avait aperçu le pape faisant soixante-neuf avec un barbare qui s’était promis de la violer. Il allait donc le castrer lorsque l’esprit saint sortant de la queue du saint père transforma son glaive en con et causa une telle jouissance au pape qu’il en faillit mourir du coup. C’est cette peur que Préputio faillit payer de sa vie. Pour l’instant, il s’avance respectueusement vers son père en branlant sa fille Pelota de la main gauche et le pouce droit dans le cul de son fils Frolin, qui le lui rend. Devant ce spectacle idyllique, Pissat de la Verge-Basse sourit faiblement et sa queue frétille comme un poil dans un courant d’air, mais ce n’est qu’un incident dont la fin ne se fait pas attendre. Sa queue retombe et le poids du gland l’entraîne vers le plancher sur lequel elle rebondit deux ou trois fois comme un jouet à ressort. Préputio et ses enfants auront beau s’escrimer, ce sera en vain. Ni les courses des fourmis sur le membre du vieillard ni les aiguilles introduites dans le méat ni les guirlandes de fleurs suspendues aux poils des couilles n’y font rien. Frolin appelle à son secours ses neuf enfants :

    — Foutrin! Vaginette! Pubiscus! Mottine! Bandon! Clitoriseult! Fouilletrou! Culcul! Machevit! Par ici.

    Tous se précipitent, précédés de leur mère, la belle Déchargette de Coïterre, qui justifie son nom en laissant derrière elle un sillage fait du sperme qu’elle a reçu sa vie durant et qu’elle continue de recevoir de ses enfants, surtout de son fils préféré, le poète Machevit de l’Enculade, dont les plus beaux vers nous sont parvenus tatoués sur les fesses de sa famille. Celle-ci, conservées de père en fils, forment aujourd’hui les dômes de toutes les mosquées d’Orient. Pendant des siècles, la noble famille de l’Enculade n’osa pas jeter les yeux sur les célèbres poèmes car il était dit dans la préface que celui qui les lirait sans avoir joui sept fois consécutives le jour du vendredi saint avec un crucifix dans le cul s’exposerait à ne plus pouvoir en retirer ce fâcheux objet.

    Ce fut seulement au début du siècle dernier qu’un de ses descendants, le marquis Braguetin de Satyremont, ayant rempli cette condition, relut ces poèmes qu’il va nous répéter assis sur le doigt de dieu qui de l’autre main lui promène une sole palpitante sur la queue :

 

 

    Couilles fleuries n’ont jamais déparé pine fourchue 

    parce que la fourche n’a pas de couilles

    et moi j’en ai qui volent

    Deux ballons captifs qui font frémir les forêts

    les boutons roses

    Les as de pique se signent sur son passage

    et si la mer s’agite comme une femme qui se branle

    c’est que les couilles s’approchent

 

 

 

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Benjamin Péret / Les couilles enragées (extrait)