« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Frère chameau

 

 






Nous avons des frères chevaux

des chansons des oiseaux

Moi j'ai un frère chameau

qui porte sa montagne sur mon dos

 

 

Il faudra aussi suspendre

des chauve-souris

au grenier de ta gorge

pour irriguer les cantiques

d'astéroïdes de traverse

aux yeux des nuits sans soucis

 

 

Nous avons des sœurs volantes

des cascades des aubes de lilas

Moi j'ai une frangine atomique

qui brûle son latin sur ma langue

 

 

Il faudra aussi promener

des chiens de chiffon

sur les drakkars de notre angoisse

pour noyer les longues rives

des chevelures d'océan

dans le brouillon du vide

 

 

Nous avons des maisons légères

des lits des boîtes à musique

Moi j'ai une cabane de bois

qui couve sa flamme sur mes doigts

 

 

Il faudra aussi ravauder

les bagues des mouches

au soleil des pitres dans le couchant

pour une dernière fois se tordre

autour de la taille matrice

d'un halo de rêves coruscants

 

 

Nous avons des mots fariboles

des carmagnoles de révoltes

Moi j'ai le franc-parler des idiots

qui tendent leur cœur sur mon arc

 

 

Il faudra encore aller verser

du miel au bord des chemins

dans l'attente du nouveau voyage

sous l'immense calotte cabossée

où s'endort la glaciale tarentelle

dans les débris de nos vies

© Dom Corrieras / vingt-deux poèmes autour de Mille ans (l'Obra)