La Lecture
Par domcorrieras, le lundi 23 mai 2011 - Poèmes & chansons - lien permanent
Lecteur, fantôme, trace, vapeur.
Pascal Quignard
I
C'est pur reflet dans les vitres d'en face
Que le soleil illumine le fond
De cette cour, chaque matin, et passe
A travers ma caverne de Platon.
Mais au printemps il se montre fugace,
Le soir, d'abord au coin d'une maison,
Puis, tout entier debout sur la terrasse,
Me salue et descend vers l'horizon.
Un peu plus tard, le rayon qui m'éclaire
Comme dans un sousbois crépusculaire
N'est de nouveau que reflet d'un reflet
Répercuté de fenêtre en fenêtre,
Et je le vois doucement disparaître,
Bu par les mots des livres qu'il frôlait.
II
Et vous, soleils des feuilles repliées,
Quels univers illuminerezvous
Quand nos langues seront tout oubliées,
Noir et muet remuement de cailloux
Telles ces voix qu'on avait suppliées
De nous répondre en lisant à genoux ?
Pages enfin comme republiées
Pour les seuls yeux que l'on croyait dissous
Mais qui déjà, par dessus notre épaule,
Regard et souffle ensemble qui nous frôlent,
Allaient scandant, sous le sens et le son,
Les vers des grands hymnes analphabètes
Ecrits pour la sagacité des bêtes,
Et ceux du vent qui n'a qu'une chanson.
Jacques Réda / Premier livre des reconnaissances