ADIEU PATRIES
Par domcorrieras, le vendredi 24 février 2017 - Poèmes & chansons - lien permanent
j’ai beaucoup peiné à travers le monde
j’ai beaucoup marché seul et j’ai tourné
comme un âne à un puits pour tirer l’onde
noire des villes où j’ai promené
à longueur d’interminables journées
ma soif de boire à ce que je croyais
être un bonheur dont moi seul me croyais
ne jamais pouvoir un jour en jouir
or plus j’y tournais plus j’étais inquiet
plus je sentais qu’il m’en fallait partir
quand je marchais dans Barcelone quand
j’y voyais tous ces gens rire et parler
je me disais : qu’ils sont heureux ! oh ! quand
pourrai-je moi aussi comme eux parler
et me promener longuement par les
rues comme ils font infiniment ? oh ! comme
il serait bon pour moi dans Barcelone
de me mouvoir dans tout ce qui les meut
et de parler leur langue oh ! comme bonne
serait ma vie si je vivais comme eux !
et cependant je continuais d’errer
dans la rue éreintante à Barcelone
me trompant et me perdant aux carrés
dessinés comme à Buenos Aires comme
à New York à Montévidéo comme
toutes ces villes à carrés ma bouche
les a bouffées comme un enfant qui bouffe
sa bouillie pour comprendre enfin le monde :
j’avais faim du monde comme les mouches
ont faim de fiente pour bourrer leur pompe
vous comprenez quand on naît en Belgique
on a l’impression d’être un peu damné
on se dit : plus tard ! plus tard magnifique
je donnerai à mes yeux étonnés
le monde entier à mon ventre affamé
d’enfin manger ce que sa faim réclame
c’est ainsi que partant dessus la lame
amère des grands océans amers
j’allai m’emmêler les pieds dans la trame
vaste des villes au-delà des mers
« vous qui me voyez passer comme une ombre
ayez au moins la charité d’ouvrir
un peu la porte à ce visage qu’ombre
le lourd décompte de ses déplaisirs
et s’il vous plaît de prendre le loisir
d’accueillir et nourrir ce passager
veuillez surtout ne pas décourager
sa volonté de garder le silence
jusqu’au moment où passé le danger
il reprendra son errante cadence »
William Cliff / ADIEU PATRIES (extrait)