La Tisiphone, l'Alectô, et la divine Mégère
Par domcorrieras, le vendredi 14 mars 2008 - Poèmes & chansons - lien permanent
Je mis mon voile et je préparai des gâteaux d’orge,
Je les jetai sur le bûcher et je présentai les victimes aux ombres,
Car j’avais sacrifié trois petits chiens au poil noir,
Et je mélangeai à leur sang du vitriol et du coing
Et du chardon jaune fendu, et quelque difforme plantain,
Et des racines rouges et du chrysanthème enfin.
Et j’en remplis ensuite le ventre des chiens, et je les mis sur le bûcher,
Et j’arrosai d’eau les entrailles et les versai autour de la fosse creusée.
Je revêtis un manteau noir, et je frappai un bronze maléficieux
J’entrai en prière, et elles prêtèrent aussitôt l’oreille à mon jeu,
La Tisiphone, l’Alectô, et la divine Mégère,
Elles rompirent les cavernes de l’abîme où l’on ne sourit guère,
Et de leurs torches sèches elles projetèrent une lueur de sang.
La fosse aussitôt s’illumina, le feu mortel tout grondant.
Une vapeur noire se répandit en haute fumée,
Et aussitôt des Enfers à travers la flamme les créatures se sont éveillées,
Terribles, impossibles à regarder, épouvantables et cruelles.
Le corps de la première est en fer, et c’est elle
Que les Infernaux nomment Pandorê, et avec elle s’avançait un monstre effrayant,
La créature à trois têtes, intuable à jamais et aux aspécts changeants :
C’était Hécate, la fille du Tartare, et de son épaule gauche surgissait
Un cheval à la longue crinière, et à droite c’était une chienne qu’on voyait,
Avec des yeux féroces, et au milieu il y avait une Tête sauvage
Et à deux mains elle tenait des épées munies de gardes.
En cercle Hécate et Pandorê tournaient ici et là,
Autour de la fosse, et les Expiations bondissaient du même pas.
Le voyage d’Orphée (ou plutôt Les Argonautiques d’Orphée)… probablement du IVème siècle après notre ère.
Illustration : Orphée, George de FOREST BRUSH - 1890, Museum of fine art Boston