NOCES
Par domcorrieras, le samedi 15 mars 2008 - Proses & autres textes - lien permanent
Tout le monde sait que Rose a tué de ses mains, en l’étouffant avec une étoupe de laine brune, un petit bâtard, ce qui ne l’empêche pas de vouloir se marier, comme tout le monde, en grandes pompes, mais sur le passage du cortège les paysans ont suspendu aux buissons des marmots en papier, découpés dans des almanachs et leur ont collé une étoupe de laine brune aux lèvres. À cela ne tienne ? Rose persuade au marié, un étranger, que c’est un honneur qu’on leur fait et arrive-t’elle à l’église où le Curé l’attend sur le parvis, quand celui-ci lui dit sur un ton de reproche: «Comment Rose, te voilà en blanc ?» elle répond crânement, comme si l’on n’en voulait qu’à sa pauvreté:
— Monsieur le curé, je la ferai teindre.
Marcel Jouhandeau / L’arbre de visages / Chaminadour III (1941)