« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Le signe se nourrit de lui-même

 

 

Le signe attend quelque part, à l'abri.
            Ses pit-bulls : ameutés.
Une fente — un tremblement d'œil gelé dans un vallon.
Il semble usé, comme le lustre d'un lac paisible, inconnu,
            que les hommes traversent trop souvent
                    les pieds nus.

Le signe — tu pourrais croire qu'il est effilé,
                            presque invisible —
            qu'il ressemble à la spirale d'un oiseau
            qui retourne affaibli en lui-même,
au bruit d'une balle rechargée dans le canon.

Effilé et presque inaudible, tout comme un ordre révoqué
                    qui, dans une pièce vide, résonne,
            ou tout comme le vent glacial
            qui souffle dans une gare abandonnée,
                    où la respiration des banlieusards fait escale,
            comme une monnaie aplatie sur la voie ferrée.

Le signe, voilà tout.
Tu gis dans la rigole, les plombs dans le cou.

Linda Maria Baros / Le Livre de signes et d'ombres / III Le musée virtuel des signes