« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Rien. Que le bleu de la nuit dans les sapins

 

 

 

Rien. Que le bleu de la nuit dans les sapins.
Découpe de ronds de sorcière sur les Ballons.
Quoi ? – un chalet, une ferme, un cimetière.
Un troupeau, le parfum des foins. – Des pistes sans neige. –

La peau brunie de minutieux parcours
de long en large dans les champs de blé.

La pupille économe – et placide – à petites gorgées
de gnôle, de vin, de bière – et d'habitude –.

Ton nom, paysan, dis-le.

– Pierre, Paul, Jean. – Qu'importe.
Des noms de solitude pour botte en caoutchouc
et tronçonneuse à couper menu tout rêve inutile. –
La gamelle de soupe au-dessus du feu,
ta vieille geint sur sa marmaille crasse.

– L'eau pisse dru dans le bassin de pierre,
et n'en finit plus de filtrer deux mille ans de misère. –
Temps que jamais rien n'achève...

– Sais-tu lire l'heure ? – Toi qui es sans âge et hors du monde,
de tes froids sapins ni le bleu ni la nuit ni rien
ne peut chasser l'inquiétude sur ta face.

Chloé Charpentier / nous les derniers vivants