ÉPILOGUE
Par domcorrieras, le jeudi 9 mars 2023 - Poèmes & chansons - lien permanent
Le joli Mai marche dans le jardin :
Une fille aux cheveux voilés
Et vêtue de vert tendre et d'or;
Et pourtant mon cœur de marbre est froid
Entre ces murs où vont les hommes
À travers l'herbe d'émeraude taillée
Pour me regarder de leurs yeux vains
Ou admirer, en bruyantes extases,
Le marbre qui m'enferme, tandis que la brise
Qui murmure dans les arbres frissonnants
Évoque des plaines et des collines solitaires,
Des vallons où la pluie, paisiblement, rumine,
Des vergers dont les arbres ont mûri rose,
Parsemés d'or par des myriades d'abeilles,
Où dort un toit de chaume grisaillant
Comme une ruche géante. Tandis qu'au loin
Des pins brillants surplombent la mer
dont les vagues, comme une soie, s'attardent
sur le sable en pente, sur les algues
bruissant vert sur la côte de dunes
qui montent à l'assaut du ciel
Où volent des mouettes peinturlurées.
Ah, tout cela me parle, à moi
Qui suis à jamais aliéné au marbre
Dans le cycle immuable des années.
Mon cœur est gros et pourtant les larmes
Ne calment pas mes yeux brûlants
Tendus vers le ciel immuable :
Nul ne change l'ordre naturel.
Nous sommes ses prisonniers meurtris,
Pourtant, même quand vient la belle saison
Mon cœur ne connaît que la neige d'hiver.
Avril, mai, juin 1919
Wiliam Faulkner / Le Faune de marbre