« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

ÉPILOGUE


 

 

Le joli Mai marche dans le jardin :

Une fille aux cheveux voilés

Et vêtue de vert tendre et d'or;

Et pourtant mon cœur de marbre est froid

Entre ces murs où vont les hommes

À travers l'herbe d'émeraude taillée

Pour me regarder de leurs yeux vains

Ou admirer, en bruyantes extases,

Le marbre qui m'enferme, tandis que la brise

Qui murmure dans les arbres frissonnants

Évoque des plaines et des collines solitaires,

Des vallons où la pluie, paisiblement, rumine,

Des vergers dont les arbres ont mûri rose,

Parsemés d'or par des myriades d'abeilles,

Où dort un toit de chaume grisaillant

Comme une ruche géante. Tandis qu'au loin

Des pins brillants surplombent la mer

dont les vagues, comme une soie, s'attardent

sur le sable en pente, sur les algues

bruissant vert sur la côte de dunes

qui montent à l'assaut du ciel

Où volent des mouettes peinturlurées.

Ah, tout cela me parle, à moi

Qui suis à jamais aliéné au marbre

Dans le cycle immuable des années.

Mon cœur est gros et pourtant les larmes

Ne calment pas mes yeux brûlants

Tendus vers le ciel immuable :

Nul ne change l'ordre naturel.

Nous sommes ses prisonniers meurtris,

Pourtant, même quand vient la belle saison

Mon cœur ne connaît que la neige d'hiver.

 

Avril, mai, juin 1919

Wiliam Faulkner / Le Faune de marbre